Journal d'accessibilité : Talking Flight Simulator
Transcription du podcast :
Bienvenue sur le podcast « Parlons UX Design ». Je suis Thomas Gaudy, UX designer spécialisé en accessibilité des jeux vidéo aux personnes ayant un handicap.
Salut tout le monde! L’une des missions sociales de Ludociels pour tous est de défendre l’accessibilité des jeux vidéo.
Dans ce sens, un ami et collaborateur aveugle, fan d’aviation, m’a demandé de jeter un coup d’œil sur les possibilités d’accessibilité sonore de Flight Simulator X (dix). Alors attention, je ne parle pas de la version 2020, mais bien de la version X.
On va donc discuter de comment un jeu, totalement inaccessible, peut le devenir avec quelques bonnes volontés qui se joignent ensemble. Ou pas…
Flight Simulator, vous connaissez tous, même si peu d’entre nous y jouent.
De l’exploration, sans ennemis, sans violence : les bonnes valeurs que j’aime bien, sans le sel du combat qui vient ajouter l’action si chère au média – un manque rédhibitoire pour beaucoup de joueurs et joueuses.
Pour ma part, je connais en fait assez mal la série, mais la respecte beaucoup.
Le jeu, seul, n’est pas accessible… Mais il existe un module qui peut bien aider.
Vous pouvez utiliser Talking Flight Monitor en complément de Flight Simulator X, pour avoir une synthèse vocale qui vous énonce les paramètres de vol : direction, altitude, vitesse, entre autres choses. Le module a été développé par Jason Fayre, un vétéran en technologies d’accessibilité qui travaille à Toronto.
Talking Flight Monitor est gratuit, vous pouvez le trouver dans la section « Description ».
Parmi les informations vocalisables, il y a les villes autour desquelles vous vous trouvez. Cette information n’est pas transmissible vocalement directement ni par le jeu ni par le module.
Vous devez créer un compte, gratuit, sur un service en ligne qui s’appelle GeoNames. Ça se fait assez facilement. Ça fait pour l’instant trois couches logicielles : Flight Simulator X (le jeu), Talking Flight Monitor (l’interface principale de vocalisation) et GeoNames, pour l’énonciation des noms de ville autour de votre avion.
GeoNames doit être configuré adéquatement. C’est juste un paramètre : l’autorisation d’accéder au Web. Pour un service Web, ça m’a posé question, mais je ne veux pas dévier de ma mission : je ne vais pas essayer de tout comprendre dans le processus.
Pour que la liaison entre Flight Simulator X et Talking Flight Monitor fonctionne, vous avez besoin d’un module supplémentaire, nommé FSUIPC, acronyme signifiant « Flight Simulator Universal Inter-Process Communication ».
Nous voilà donc à quatre couches : Flight Simulator X, Talking Flight Monitor, GeoNames et FSUIPC.
Il existe quatre versions de FSUIPC, selon le jeu de simulateur que vous voulez faire tourner. Oui, parce que les modules fonctionnent aussi avec le simulateur de vol Prepar3D.
Pour Flight Simulator X, le seul module proposé est la version 4.975, qui fonctionne pour des configurations 32 bits. Aïe! ma machine est en 64 bits.
Le téléchargement est gratuit, mais pas l’usage. L’interface vous demande une clé d’installation. Le site et le manuel n’expliquent d’ailleurs pas où acheter le logiciel. En cherchant un peu, ça se trouve, et en révisant les instructions d’utilisation de Talking Flight Monitor, vous comprenez en fait que l’achat de FSUIPC n’est pas obligatoire. Simplement, quand vous tentez d’installer FSUIPC, il faut cocher le bouton intitulé « Not Now ». Le programme se ferme alors, sans feedback, et on pourrait même avoir l’impression qu’il nous a jetés, mais en fait il installe quand même des éléments qui vont améliorer l’expérience de vocalisation du jeu. C’est assez froid comme retour d’information.
Prochaine étape.
Pour accéder aux informations textuelles des menus, vous avez besoin d’un logiciel de lecteur d’écran (je m’adresse surtout aux voyants, pour leur expliquer un petit peu comment ça se passe). Vous avez le choix classiquement entre JAWS, payant, ou NVDA, gratuit, qui sont parmi les plus populaires. J’y vais pour ma part avec NVDA.
Nous devrions d’ailleurs tous avoir un logiciel de lecteur d’écran pour améliorer l’accessibilité de nos projets numériques. Vous pouvez le trouver, lui aussi, en descriptif.
Note pour les voyants : un lecteur d’écran, pour utiliser un ordinateur, c’est vraiment la base. Mais pour les voyants, c’est important de rappeler que cette surcouche est omniprésente dans l’utilisation de l’informatique.
L’ordre de lancement des couches logicielles est important (d’après le guide, en tout cas).
Vous faites d’abord votre compte GeoNames, vous le configurez en autorisant l’accès Web (« web access » sur l’interface).
Vous exécutez ensuite FSUIPC, mais sans l’acheter, donc vous appuyez sur le bouton « Not Now ».
Vous installez ensuite Flight Simulator X : il va déployer plein de petits composants ici et là sur votre machine.
Vous lancez le jeu.
Une fois que le jeu est lancé, vous démarrez un vol.
Ensuite seulement, d’après le guide, vous exécutez Talking Flight Monitor. L’interface vous demande votre identifiant GeoNames.
Vous devez alors entendre le nom de la ville la plus proche de votre avion.
Check, ça marche… À ce stade, pour ma part, j’étais vraiment plein d’espoir.
Effectivement, pas mal d’éléments sont vocalisés dans le jeu.
Là où ça a coincé, pour ma part, c’est sur la prise en compte des commandes pour vocaliser la situation de l’avion : l’orientation, la vitesse, l’altitude… J’ai envie de dire : les informations essentielles.
Talking Flight Monitor propose des commandes, globales (la fenêtre n’est pas supposée recevoir le focus de la part du joueur ou de la joueuse); elles peuvent aussi être reçues depuis d’autres fenêtres, donc depuis la fenêtre du jeu principal, Flight Simulator X.
À première vue, ces commandes entrent en conflit avec celles, très nombreuses, de Flight Simulator (donc les commandes de Talking Flight Monitor peuvent entrer en conflit avec les commandes de Flight Simulator X). En fait, pour lancer les commandes de Talking Flight Monitor, il faut en lancer une première. Par défaut, cette première commande, c’est le crochet droit (« Right Bracket »). C’est dans le chemin « Application > Settings > Hotkeys » : vous pouvez voir quelle commande clavier permet de lancer quelle commande pour votre vocalisation. En fait, le crochet droit, pour ma part, ce n’est pas pratique. Sur mon clavier canadien, c’est déjà une combinaison de touches pour réussir à le sortir. Vous pouvez donc, sur les « Settings » de Talking Flight Monitor, changer la touche. Attention, il n’y a pas de possibilité de retour aux paramètres initiaux, ce qui peut intimider un peu parce que si on fait un peu n’importe quoi, on ne sait pas trop comment remettre à la normale.
C’est là que ça coince de mon côté : les commandes ne sont pas prises en compte. J’essaie diverses approches, qui ne fonctionnent pas. J’ai donc un Flight Simulator qui reste semi-vocalisé. Un échec?
Par la suite, j’ai désinstallé Talking Flight Monitor, j’ai redémarré l’ordinateur, j’ai remis Talking Flight. J’ai relancé FSUIPC.
J’ai refait une partie. Ça a marché… les commandes répondaient. Qu’est-ce qui a changé là-dessus : le redémarrage, la désinstallation, la réinstallation? Je ne peux pas vraiment le dire. De là à dire maintenant que le jeu est jouable, je n’irais pas encore jusque-là. On parle ici d’un simulateur d’avion : la quantité de commandes à prendre en compte pour commencer à se débrouiller un peu peut donner le vertige. Vaut mieux d’ailleurs commencer un vol en plein air. Si possible, prenez en note les commandes de Flight Simulator X, d’une part, et de Talking Flight Monitor, d’autre part, sur une seconde machine (que vous pouvez là encore vocaliser). Cela vous permettra plus facilement de les consulter une fois que vous serez en plein vol, en plein jeu.
J’espère que cette vidéo pourra être utile pour illustrer les efforts combinés de plein de gens pour apporter plus d’accessibilité sur un projet. On comprend en fait que c’est un empilement de couches pour obtenir une plus grande ouverture à un plus vaste public. Sauf que les efforts à déployer pour faire tenir debout le fragile édifice numérique peuvent parfois être démoralisants.
Cette vidéo ne se veut pas vraiment un guide d’installation, mais plus un journal relatant les difficultés rencontrées de mon côté. Si vous entendez cette vidéo, et que vous comprenez comment améliorer la recette, dites-moi comment vous faites et ça pourra peut-être permettre de faire un guide plus concis et plus précis.
Actuellement, je déplace le jeu en faisant de l’installation de l’accessibilité de Flight Simulator X via Talking Flight Monitor, une expérience vaguement ludique qui se veut, avec votre aide, collaborative.
Que tirer de cette expérience ? Deux choses, à mon avis :
Premièrement, si vous êtes développeur, pensez à l’accessibilité de votre outil ou de votre jeu. Si vous ne savez pas comment faire, des gens seront prêts, gratuitement, à vous renseigner. Vous pouvez aussi nous contacter.
Si des gens passent derrière vous pour apporter une surcouche d’accessibilité que vous n’avez pas daigné considérer, vous voyez le marathon que ça peut devenir.
Deuxièmement, si vous êtes usager, ne le prenez pas personnellement si vous ne parvenez pas à faire fonctionner la recette. Le problème peut provenir de plein de causes : obsolescence d’une couche logicielle, incompatibilité matérielle, un menu qui a changé. La procédure elle-même donne le vertige.
C’est presque normal, en fait, que ça ne marche pas. Si c’est le cas, contactez l’auteur. Essayez d’ailleurs d’être précis dans vos explications : quelle machine vous utilisez, quel système d’exploitation, quel menu, quelles sont les indications qui sont données sur ce menu, quels sont les retours d’information que vous obtenez… Si vous avez un ami qui peut vous aider à faire une capture vidéo de votre tentative d’installation (même un enregistrement direct avec un smartphone, même si c’est un petit peu flou, ça peut déjà aider), c’est encore plus efficace. Évidemment, c’est un peu plus long, mais c’est plus efficace. Très important, soyez courtois. Au moment de l’enregistrement de cette vidéo, pour ma part, j’ai contacté Jason Fayre, et on ne s’est pas encore dit grand-chose, mais la tentative de communication est lancée.
Et puis jamais deux sans trois, donc un dernier conseil :
Si vous êtes usager et si ça marche (en fait, surtout si ça marche), contactez aussi les auteurs, pour les remercier. Si les auteurs qui développent de tels modules, souvent gratuitement, ne reçoivent que des messages à propos de dysfonctionnement, ça va les épuiser. Vous allez les conduire tout droit au burnout, à l’abandon des projets d’accessibilité. Normal : ils ne reçoivent que des retours négatifs. Appliquez cette démarche autant que possible à tous les petits développeurs qui travaillent gratuitement pour vous. Si un truc que vous appréciez fonctionne, c’est simple, dites-leur merci. Ça vous prend un peu de temps, d’accord, mais c’est toute la communauté d’usagers que vous pouvez soutenir ainsi en procédant à consolider le moral des développeurs indépendants.
Voilà. Si vous avez aimé ce podcast et si vous pensez qu’il pourrait intéresser d’autres personnes, vous pouvez contribuer à le rendre plus lisible, plus accessible, en mettant une appréciation positive. En fait, chaque environnement d’écoute a son propre système d’évaluation, je vous laisse voir. Sur ce, à la semaine prochaine.
Merci d’avoir écouté ce podcast, je vous invite à vous abonner, pour ne pas rater les prochains épisodes. Si vous voulez en savoir plus sur moi, je vous invite à consulter mon profil LinkedIn : Thomas Gaudy. Si vous souhaitez de l’accompagnement pour implémenter ces notions et ces outils dans vos équipes et vos projets, vous pouvez faire appel à mes services de consultant en UX design. Il vous suffit de me contacter via mon profil Linkedin. Au plaisir!
Talking Flight Monitor de Jason Fayre
L’accès direct au téléchargement : https://www.bvipilots.net/files/addons/tfm-setup.exe
FSUIPC (flight simulator universal interprocess communication) version 4.975 pour Flight Simulator X
L’accès direct au téléchargement : http://fsuipc.simflight.com/beta/FSUIPC4.zip
Transcription et correction du podcast : Mélissa Lamontagne
Édition : Stéphanie Akré
Comments