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VicDor, un jeu de stimulation pour les enfants atteints d'une déficience profonde

Un jeu conçu en immersion dans une classe de l'école spécialisée Victor-Doré.



Photo montrant l'ordinateur de la classe avec un gros contacteur rouge.

Pour celles et ceux qui ne connaissent pas encore l'école Victor-Doré, je vous la présente en quelques phrases. C'est un établissement spécialisé qui accueille des enfants de quatre à treize ans présentant des déficiences motrices ou organiques graves associées ou non à d'autres déficiences.

L'école qui a fêté ses 80 ans en 2012, peut accueillir jusqu'à 190 enfants et met à leur disposition une équipe pluridisciplinaire composée d'enseignants, de professionnels, de personnel de soutien et de professionnels de réadaptation du Centre de réadaptation Marie Enfant (CRME). 

Si vous souhaitez en savoir plus, voici l'adresse de leur site internet: http://victor-dore.csdm.ca/

Les «p'tits cocos»


Marie (orthopédagogue) avait peur que nous soyons déçus en découvrant les possibilités de ses «p'tits cocos» comme elle les appelle affectueusement.

Suite à quelques échanges par mail, Thomas et moi, avons obtenu un rendez-vous avec Marie (orthopédagogue) qui a à sa charge une classe de d'enfants présentant une déficience profonde. Lors de cette rencontre, nous avons pu discuter de notre projet de mettre en place un atelier de conception de jeu vidéo pédagogique accessible adapté aux besoins des enfants qui fréquentent sa classe. Marie était accompagnée de Jacques (technicien en informatique) et de Jeanne (représentante de l'administration de l'établissement). Notre projet a reçu un très bon accueil et suscité beaucoup d'intérêt.

Il faut avouer qu'au début, Marie avait peur que nous soyons déçus en découvrant les possibilités de ses «p'tits cocos» comme elle les appelle affectueusement. Après avoir exprimé notre volonté de travailler selon ses recommandations et notre capacité à nous adapter à notre public, elle nous a expliqué qu'il y avait des besoins non comblés en matériel informatique adapté qu'elle souhaiterait utiliser en classe, mais surtout qu'elle aimerait rendre accessible aux parents qui parfois se sentent un peu démunis à la maison pour continuer les stimulations de leurs enfants dans le cadre familial.

Nous avons donc convenu d'une première visite quinze jours plus tard, qui nous permettrait d'observer en classe les interactions des enfants entre eux, avec leurs enseignante et avec le matériel pédagogique, ludique et informatique mis à leur disposition. Lorsque nous avons quitté l'école, ce jour-là, nous avions le cœur et la tête emplis de reconnaissance envers cette belle équipe qui avait pris la décision de nous faire confiance.


L'école des enfants invisibles


Nous sommes retournés deux semaines plus tard dans la classe de Marie. Il était 10H30 lorsque nous sommes arrivés à l'école. Comme l'a si bien dessiné Jean-Paul Eid dans sa bande dessinée (http://victor-dore.csdm.ca/ecole/victor-dore-en-b-d/), «l'école des enfants invisibles» est silencieuse de l'extérieur mais lorsque nous avons pénétré à l'intérieur et que Marie nous a fait parcourir les couloirs pour rejoindre sa classe, nous avons commencé à entendre les enfants. Certains et certaines suivaient leurs cours d'activité physique, d'autres parcouraient les couloirs pour rejoindre leurs classes ou se rendre à leurs différentes activités et nous avons entendu leurs rires et leurs exclamations mêlées aux voix de l'équipe professionnelle qui prennent en charge leur éducation, leur réadaptation et leur bien-être.

Ce qui a beaucoup frappé Thomas dans cette école, c'est la grandeur des couloirs, des salles de cours, du gymnase... Tout est prévu pour que des fauteuils roulants et des appareils d'aide à la marche permettent aux enfants de circuler facilement. Tout leur est adapté, accessible! Des mots qui trouvent écho dans ce que nous faisons au sein de Ludociels pour tous.


la chanson du bonjour

les enfants touchent, regardent, expriment leur expérience. «Lola, la petite oursonne cueille des fleurs quand elle est en vacances», «regardez la fleur», «il faut regarder le pictogramme avec les yeux, le toucher avec les doigts, mais il ne faut pas le froisser, sinon tu ne le vois plus, il ne faut pas le porter à ta bouche, ce n'est pas un de tes jouets», «Tu sens comme ça sent bon les fleurs? Tu les tiens dans ta main?»

Puis, nous «les» avons rencontré. Celles et ceux pour qui nous mettons en place ce nouvel atelier, les enfants. Ce matin-là, ils étaient trois présents: un garçon et deux filles. Ils revenaient de leur toilette, deux d'entre eux-elles avaient marché une bonne partie du début de la matinée et la troisième revenait d'une séance avec le physiothérapeute. 

Le programme de la matinée a continué avec le bonjour. Marie nous a présenté et ensuite chaque enfant, tour à tour, a écouté la chanson du bonjour «Bonjour les amis, bonjour, bonjour, les amis bonjour...» en appuyant sur un gros bouton jaune et a choisi ensuite à qui il-elle souhaitait dire bonjour en regardant des photographies représentant leurs camarades de classe. Des mots, des actions, des gestes, des signes, des regards accompagnent chacune des interactions de l'enseignante avec ses élèves.

Dans sa classe, Marie est accompagnée par Yvette qui fait parti du personnel de soutien. Son aide est très précieuse pour que les activités d'enseignement menées par Marie se déroulent sans encombre. Yvette aide les enfants à s'installer dans leurs fauteuils, cherche le «chewy» pour l'enfant qui a besoin de tout porter à sa bouche mais qui doit apprendre que tout ne s'explore pas avec la bouche, aide à replacer une autre confortablement dans son fauteuil parce que le sien est en révision et qu'elle a des difficultés à se sentir bien dans celui qu'on lui a prêté en attendant, etc...

La matinée s'est poursuivie avec une activité d'arrosage de plantes en vue de la fête des pères, qui approche. Après avoir regardé le pictogramme qui représente l'arrosoir, les enfants exercent leur toucher en saisissant l'arrosoir et regardent l'eau qui s'écoule. Aucun de ces enfants ne parlent, mais ils/elles sourient, s'exclament, rient, expriment leurs sentiments avec des gestes, des onomatopées, des bruits, des expressions faciales, etc... C'est comme être témoin d'un nouveau langage et pourtant, ils/elles doivent aussi apprendre à communiquer et à se faire comprendre.

Puis, ça a été l'heure de l'histoire. Projetées sur un grand écran comme au cinéma, des images accompagnées de phrases et de pictogrammes. Chaque partie de l'histoire est expérimentée par les enfants. Marie leur lit la phrase, leur montre le pictogramme correspondant et les enfants touchent, regardent, expriment leur expérience. «Lola, la petite oursonne cueille des fleurs quand elle est en vacances», «regardez la fleur», «il faut regarder le pictogramme avec les yeux, le toucher avec les doigts, mais il ne faut pas le froisser, sinon tu ne le vois plus, il ne faut pas le porter à ta bouche, ce n'est pas un de tes jouets», «Tu sens comme ça sent bon les fleurs? Tu les tiens dans ta main?», etc...

Un jeu sur-mesure


Finalement, l'heure du repas est très vite arrivée. Yvette a emmené une des jeunes élèves un peu plus tôt pour la préparer à son alimentation par incitation. Nous avons dit au revoir aux enfants et à Marie. Mais nous les reverrons dès la rentrée scolaire en septembre 2015, pour expérimenter avec eux le jeu que nous allons créer pour eux. Grâce à cette matinée riche en émotions, nous avons appris beaucoup de choses, ce qui va permettre à Thomas, notre ergonome et concepteur de jeux vidéo de concevoir un jeu sur-mesure.

À suivre...


Stéphanie Akré

Juin 2015


Note: tous les prénoms du personnel de l'école ont été changé par soucis de respect et de confidentialité.

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